Carte.
 

Mystères, curiosités et lieux secrets.

Une loutre dans
les Bardenas ?

 

 

Fred Moncoqut

Aussi inattendue qu’invisible, la loutre !

Il n’a pas plu depuis trois semaines, le ciel est bleu sans le moindre nuage, et le sol est sec et poussiéreux. Par cette belle journée de janvier je décide de m’aventurer dans un lieu particulièrement isolé de la Blanca Alta.

Pour m'y rendre il me faut quitter la piste et marcher longuement à travers champs, passer par des zones de steppes et de badlands, puis descendre au fond d'un barranco. Là, je poursuis ma marche pour arriver dans un tronçon du ravin où se trouvent deux trous d'eau ainsi que quelques mares d'eaux stagnantes.

Ce lieu je le connais bien pour m’y être rendu à maintes reprises, mais ce que j’allais y découvrir ce jour là me surprit au plus haut point.


Une loutre.
Qui aurait pu imaginer que ce petit mammifère semi-aquatique puisse vivre, ou plutôt survivre, au cœur du désert des Bardenas ?

Trou d'eau n°1
Trou d'eau n°2

Ces deux trous d'eau ne se tarissent pratiquement jamais, même au cœur de l'été.

Il semblerait pourtant que ce soit avéré, une loutre a élu domicile dans un barranco de la Blanca Alta, au pied de la Punta de la Estroza ! Et même si je n’ai pas pu l’observer directement, et donc la photographier, cette loutre a tout de même laissé de nombreux indices de sa présence.
En effet, qui sait observer attentivement aura trouvé ici et là des traces de pattes qui courent sur plusieurs dizaines de mètres au fond du ravin.

Un trou large et profond.

L'un des deux trous d'eau.

Comparatif.
La loutre a laissé de nombreuses traces sur l'argile humide ainsi que dans l'eau.
Traces de loutres.

Pour un novice la confusion avec des empruntes de renard est possible, mais à y regarder de plus près le doute n’est plus permis. Rapidement je constate que les traces se trouvent toutes en bordure de mare et même très souvent en pleine eau. Aucun renard n’aurait l’idée de gambader les pattes dans l’eau glaciale à moins d’y être obligé.
Autre détail en faveur de la loutre, ses pattes sont palmées et je peux le vérifier sur quelques empruntes.

Trace. Excréments.
De nombreuses traces de pattes et des excréments trahissent la présence de la loutre.

En m’attardant longuement dans la zone je découvre quelques excréments typiques des loutres. Leurs tailles, couleurs et formes ne laissent aucun doute, et c’est sans compter sur l’odeur de poisson particulièrement forte.

 

Trois journées successives de recherche et d’observation ne me permirent malheureusement pas de voir la loutre, l’animal est discret, essentiellement nocturne et donc difficile à surprendre.

Cependant, en suivant les nombreuses traces je constate qu’elles conduisent jusqu’à deux abris sous roche situés en bordure de chacun des deux trous d'eau. Ces abris vastes et obscurs sont de toute évidence l’habitat occasionnel, ou permanent, de notre loutre.

Recherches d'indices.

Une dalle rocheuse, ici partiellement effondrée, surplombe chacun des deux trous d'eau et
offre ainsi à la loutre de nombreuses cavités en guise de cachettes.

Abris sous roche.

La loutre peut ainsi quitter l'eau et se retrouver aussitôt sur la terre ferme directement
sous la dalle rocheuse. Les nombreuses traces de pattes en témoignent.

Encore des traces.

 

Une loutre dans les Bardenas, comment est-ce possible ?

Loutre.

Les Bardenas forment un vaste territoire aride et dépourvu de cours d’eau, ceci étant particulièrement vrai pour la zone où j’ai découvert des indices de la présence de la loutre.

Alors pourquoi, et comment cet animal semi-aquatique a-t-il pu s’établir dans l’un des lieux les plus secs et les plus isolés des Bardenas ? Un lieu théoriquement mortel pour lui  !

C'est d'autant plus surprenant qu'aucun zoologiste n'a recensé de loutres dans la Bardena Blanca !

Il est avéré que de nombreux spécimens vivent sur les berges du rio Ebro, ce grand fleuve qui coule à l’ouest du territoire. Ainsi, pour arriver jusqu’au cœur de la Blanca Alta ce petit mammifère aurait donc remonté le Barranco Grande sur 24 kilomètres ! Performance remarquable qui lui aurait été possible que durant la saison pluvieuse.

La zone du barranco dans laquelle se trouvent les empruntes est jalonnée de longues mares et de deux trous d’eau, en somme il s’agit d’une véritable oasis plantée dans le désert.

Repères géographiques.
La loutre est probablement ici à son aise, l’eau ne manque pas, la tranquillité est assurée en raison de l’isolement du site, et la nourriture est temporairement garantie par la présence de grenouilles et d’écrevisses. Je dis bien "temporairement" car avec l’arrivée prochaine de l’été, et donc de la sécheresse et de la chaleur estivale, rien ne garantit que la loutre survivra jusqu’aux pluies automnales.

 

Vue aérienne.
Voici une vue aérienne de la portion du ravin où vit la loutre (sous réserve qu'il n'y en ait qu'une, car
même s'il s'agit d'un animal solitaire il y en a peut-être plusieurs en ce lieu).
Dessin.
Nota :
Les Bardenas possèdent un très vaste réseau de ravins (barrancos), ce sont de véritables lits de rivières dans lesquels l'eau ne coule que lorsqu'il pleut en abondance. Le reste du temps, comme en été, ces ravins sont à quelques exceptions près totalement asséchés.
La loutre n'a pu remonter le Barranco Grande que durant une période de fortes pluies.
Le beau temps revenu les eaux stagnantes s'évaporent rapidement et la loutre se retrouve piégée et isolée près des derniers points d'eau susceptibles de persister durant la saison chaude.
Si les eaux s'évaporent en totalité, ou que la nourriture vient à manquer, la loutre finit par mourir.
Photographies : Jose Maria Samanes et Frédéric Moncoqut.
Texte : Frédéric Moncoqut.

 

 

Retour au menu "Mystères, curiosités et lieux secrets".

 

www.bardenas-reales.net