Interview pour le journal "La Vanguardia".

 

08 mai 2016, Frédéric Moncoqut est interviewé par une journaliste du très réputé journal espagnol "La Vanguardia".

Cet article de presse comporte également deux autres interviews : celles du bardenero José Maria Samanes et celle de Julian Isla (actuel Président du Parc Naturel des Bardenas)

Vous trouverez ci-dessous l'interview originale, puis en fin de page l'article tel qu'il a été publié dans le journal La Vanguardia et sur internet.

 

1.- Quels sont les éléments qui font des Bardenas un parc naturel si exceptionnel ?

J’ai visité de nombreuses zones désertiques et semi-désertiques en Espagne, parmi lesquelles les Monegros en Aragon, le désert de Tabernas à Almeria ainsi que celui de Gorafe près de Granada, ou encore le micro-désert de Gebas dans la province de Murcia, mais aucune de ces terres ne peut rivaliser avec la singulière beauté des Bardenas Reales de Navarre.

La notoriété des Bardenas tient avant tout au caractère insolite et spectaculaire de ses paysages, cela étant particulièrement vrai pour le cœur du territoire, la Bardena Blanca. Les sols et les reliefs y sont continuellement façonnés par les vents, les pluies et les amplitudes thermiques. Il en résulte de superbes et impressionnantes formations érosives parmi lesquelles se distinguent des cheminées de fée, des badlands, des collines tabulaires, des barrancos et des hautes falaises.

A mes yeux les Bardenas sont un formidable musée géologique à ciel ouvert dont l’artiste talentueux n’est autre que l’érosion.

Les Bardenas, c’est aussi une faune et une flore parfaitement adaptées aux zones arides et steppiques d’Espagne. L’avifaune y est particulièrement remarquable puisqu’une très grande variété d'oiseaux migre, vie et nidifie en ces lieux. Les grands rapaces, tels que le vautour, le percnoptère et l'aigle royal, sont très présents et il est assez facile de les observer tant ils sont nombreux à occuper le ciel.

Exceptionnelles, uniques et sans aucun équivalant en Europe, les Bardenas Reales bénéficient de plusieurs mesures de protection : elles ont été déclarées Parc Naturel et Réserve de Biosphère, elles comportent deux vastes ZEPA (Zonas de Especial Protección para las Aves ) ainsi que trois Réserves Naturelles (en incluant celle du Vedado de Eguaras), et de nombreux endroits du territoire (plans d’eau, ravins,…) sont classés Zones Humides.

 

2.- Vous connaissez très bien cette réserve de la biosphère, qu'est ce que vous surprend encore aujourd'hui ?

Cela fait 24 ans que je me rends régulièrement dans les Bardenas, trois à cinq fois par an pour des séjours pouvant aller jusqu’à deux semaines. Je vis les Bardenas à ma manière, en solitaire, à pied ou en véhicule tout-terrain, en été comme en hiver, et hors des sentiers battus ce qui signifie loin des circuits touristiques habituels.

Malgré les années qui passent, l’émerveillement reste toujours le même. Je suis un contemplatif, je ne me contente pas d’admirer passivement le paysage comme le ferait n’importe quel touriste, non, le paysage je le dissèque patiemment du regard. J’entends par là que j’observe attentivement les moindres petits détails, qu’ils soient loin à l’horizon ou à mes pieds. J’aime ainsi contempler la forme étrange de tel ou tel relief, je m’étonne devant le surprenant travail de l’érosion sur une roche, je n’hésite pas à me coucher sur le sol poussiéreux afin d’observer la marche d’un mille-pattes ou d’un scorpion, puis je lève les yeux vers le ciel pour admirer le vol majestueux des vautours.

Ici la nature a beaucoup à offrir à ceux qui prennent le temps de l’observer. C’est ainsi que je vis les Bardenas, les surprises et l’étonnement ne se tarissent jamais, et je ne m’en lasse pas.

 

3.- C'est un parc encore peu connu et exploité du point vue touristique ?

La première fois que je suis venu dans les Bardenas j’ai réellement cru halluciner tant le choc visuel fut intense. Où étais-je tombé ? C’était comme si soudainement je venais de changer de continent pour me retrouver dans quelques régions désertiques du Maghreb, du Moyen-Orient ou d’Amérique du nord.

C’était en juin 1992, et à l’époque les Bardenas étaient totalement inconnues du tourisme et très curieusement mésestimées des navarrais. Comme bien souvent, il aura fallu attendre l’arrivée de visiteurs venant d’horizons différents pour que les autochtones prennent conscience de la valeur exceptionnelle de leur terre.

Aujourd’hui les touristes viennent en grand nombre, les chiffres annoncés varient d’une source à l’autre mais nous pouvons estimer qu’environ 120 000 visiteurs viennent chaque année les Bardenas.

120 000 touristes ça peut paraître beaucoup, mais en réalité comparé à d’autres sites naturels c’est relativement peu (le Parc National d’Ordesa et du Mont-Perdu, par exemple, accueille chaque année plus de 600 000 visiteurs).

Les Bardenas sont constituées d’écosystèmes précieux et fragiles ; pour le moment l’afflux touristique ne semble pas avoir d’impacts néfastes sur le milieu naturel mais je sens bien que les responsables du Parc Naturel cherchent à limiter l’affluence touristique notamment en interdisant temporairement l’accès à certaines zones de prédilection des randonneurs telles que celles du Rallon et de la Pisquerra.

Il est clair qu’une surabondance de visiteurs (comparable à celle du Parc National d’Ordesa et du Mont-Perdu) serait très néfaste pour l’équilibre naturel.

En France, pour parler de ma patrie d’origine, les Bardenas sont assez méconnues, voir même totalement si on s’éloigne du sud-ouest du pays.

Les français sont pourtant nombreux à se rendre dans les Bardenas, selon certaines estimations ils représentent plus d’un tiers des visiteurs ! Les Bardenas sont pour eux une sorte de « désert du weekend », un désert à portée de main où l’exotisme et l’émerveillement sont garantis.

Le tourisme est intelligemment exploité par la population autochtone, les habitants des villages proches offrent une grande quantité de services tels que la restauration, l’hébergement, ainsi que divers commerces. Les retombées économiques liées au tourisme dans les Bardenas ne sont donc pas négligeables.

 

4.- Vous croyez que l'activité de l'armée est compatible avec l’activité touristique et la préservation de cet environnement ? Pourquoi ?

Non, le tourisme et l’environnement naturel ne peuvent en aucun cas être compatibles avec les activités militaires. C’est une évidence.

L’armée est présente dans les Bardenas depuis 1951. A cette époque nul ne se souciait de l’impact que cela pouvait avoir sur la nature, et le tourisme était inexistant.

Aujourd’hui les choses ont changé, les Bardenas ont été déclarées Parc Naturel et Réserve de Biosphère, et les touristes sont chaque année plus nombreux à s’y rendre.

Les nuisances sont réelles, ne serait-ce déjà qu’au niveau sonore. La ronde incessante des avions de chasse volant à très basse altitude est souvent un véritable calvaire pour les oreilles, sans parler du fracas assourdissant des explosions des bombes !

Les risques d’incidents et d’accidents sont tout autant réels ! On en dénombre plus d’une trentaine depuis la création du champ de tir, et cela va de la « simple » perte d’une bombe, d’une roquette ou d’un réservoir externe, jusqu’au crash d’avions (parfois accompagné de la mort du pilote).

Certains incidents ont eu lieu tout près de zones habitées, imaginez qu’un jour un avion s’écrase sur un village,… ce serait une catastrophe.

D’un point de vue écologique, la présence militaire dans les Bardenas est un désastre, car rien n’est plus polluant qu’un explosif et en 65 ans d’occupation ce sont des dizaines de milliers de bombes qui ont été larguées dans les Bardenas. Les sols du champ de tir sont contaminés pour des siècles !

La présence de cette zone militaire au cœur même du Parc Naturel des Bardenas Reales provoque l’indignation et la colère d’un grand nombre d’amoureux des Bardenas, que ce soit en Espagne comme en France.

Je dis souvent : « On interdit aux randonneurs l’accès aux secteurs Pisquerra-Rallon pour ne pas déranger les vautours qui y nichent, et dans le même temps les avions de chasse larguent des bombes avec fracas et percutent les vautours en plein vol. Qui est le plus nuisible pour la nature ? Le randonneur ou le militaire ? »

 

5.- Dans votre site vous faites référence à pas mal d'incidents à cause du champ de tir de l'armée, qui a signe un contrat avec la communauté des Bardenas jusqu’à 2028.
A votre avis, l'armée a acheté la "paix" avec les municipalités concernées ? Comment faudrait-il gérer cette situation ?

La présence des militaires dans les Bardenas a engendré une histoire de gros sous : La Comunidad de Bardenas Reales ainsi que les communes navarraises qui y sont rattachées reçoivent chaque année une importante compensation financière de la part de l’armée.

Si cette compensation s’élevait à seulement 20 000 pesetas par an dans les années 1950 (ce qui correspond à 120 €/an, peut-on alors parler de compensation ?), et bien nous assistons à une véritable flambée des prix durant les décennies suivantes !

D’après certaines sources, au début des années 2000 la Comunidad de Bardenas Reales recevait de l’armée quelques 3 millions et demi d’euros par an (montant partagé à parts égales entre chacune des municipalités membres de la Comunidad), et depuis 2009 cette compensation s’élèverait à 8 millions d’euros par an !

On imagine mal la Comunidad de Bardenas Reales et les municipalités associées se priver de telles sommes ! D’autant que la compensation versée par l’armée devrait atteindre les 14 millions d’euros par an dès 2018 !!!

La Comunidad et les maires s’opposeront immanquablement au départ des militaires.

De plus, soyons logique, l’armée de l’air espagnole a impérativement besoin d’un champ de tir et de bombardement, il en va de la sécurité nationale ainsi que de sa crédibilité vis-à-vis des autres pays partenaires (ceux de l’OTAN notamment). On peut être un fervent défenseur de la nature sans ignorer cela.

La seule solution serait de trouver en Espagne un autre espace désertique pouvant accueillir un nouveau champ de tir, mais où installer ce champ de tir ? Personne n’en veut !
Quoi qu’il en soit le débat n’a plus lieu d’être, le polygone de tir et de bombardement des Bardenas Reales étant dorénavant déclaré « Zone d’Intérêt pour la Défense Nationale ».

L’évidence s’impose donc d’elle-même, les militaires ne quitteront jamais les Bardenas.

 

6.- Vous avez écrit des livres et fait un site internet très complet, souvent en Espagne nous avons besoin d'un regard extérieur pour nous rendre compte de ce que nous avons. Vous avez eu le sentiment de réveiller des consciences ?

Mon site internet et mes livres sont rédigés en français et s’adressent donc aux français.
En toute modestie, je peux dire que la quasi-totalité des français qui visitent les Bardenas ont probablement lu l’un de mes livres, et plus sûrement consulté mon site internet. J’ai donc une grosse responsabilité et je dois faire très attention à ce que j’écris.

Mon site est le plus complet que l’on puisse trouver sur internet, même en Espagne il n’existe aucun équivalant en matière de Bardenas. J’y notifie de très nombreuses informations et recommandations, et on y trouve des photographies, des cartes, des adresses, ainsi que l’actualité des Bardenas.

J’ai aussi le devoir d’éduquer mes internautes avant qu’ils ne se rendent dans les Bardenas. J’insiste donc beaucoup sur le respect de la réglementation touristique locale, sur la protection de la nature, mais aussi sur la courtoisie dont nous devons faire preuve envers ceux qui nous accueillent (les espagnols en général, les navarrais en particulier).

 

Ci-contre, l'article de presse paru dans le journal espagnol "La Vanguardia".

La version internet est visible dans le site "Magazinedigital.com"

 

 

Intégralité des textes du reportage :

Bardenas Reales, entre águilas y cazas

En esta reserva de la biosfera en el sur de Navarra conviven rapaces, que atraen a turistas y equipos de rodaje, y el Ejército del Aire, polémico inquilino cuyos F-18 rompen la barrera del sonido y efectúan prácticas de tiro cerca de donde planean las águilas.

Incluso al Nobel de Literatura Mario Vargas Llosa le faltaron las palabras al descubrir las Bardenas Reales. “Mi cerebro es incapaz de asimilar un contraste tan impresionante”, fue todo lo que acertó decir, según testimonios de la visita que realizó a este parque natural del sur de Navarra en el 2002, después de que la Unesco lo incluyera entre las 500 reservas de la biosfera del planeta. El autor de   La ciudad y los perros  acababa de visitar el frondoso bosque de Irati, situado a 100 kilómetros. “El paisaje no permite deslindar lo real de lo irreal, una creación cambiante cada hora”, describió una vez superado el impacto que le produjo esta extensión de 42.000 hectáreas rodeada de mesetas y barrancos, con una zona esteparia y desértica en el centro –depresión de la Blanca– salpicada de montículos y cerros aislados de caprichosas formas.

A mediados del siglo pasado, tal sucesión de ecosistemas no era considerada más que una tierra árida e inhóspita. Al margen de un puñado de agricultores y pastores, no interesaba a nadie. Excepto al ejército. Era el lugar idóneo para que los aviones de guerra hicieran prácticas de puntería. Corría 1951 cuando el régimen franquista permitió a Estados Unidos instalar una base militar que el ejército español recuperó en los setenta. “A Franco le daba vergüenza que los estadounidenses vieran que en algunos pueblos la gente vivía en cuevas excavadas en la montaña. Hizo construir pisos para reubicar a los habitantes, pero estos no se querían ir porque las viviendas –el grupo Venecia– estaban en un terreno inundable, así que mandó tapiarlas”, explica José María Samanes. Este campesino y empresario turístico ha rehabilitado viejas cabañas que ofrece como alojamiento y organiza recorridos en 4x4 o a caballo. Si para él, que conoce el lugar como la palma de su mano, la experiencia “cada vez es diferente”, para Fréderic Moncoqut, naturalista francés especializado en las Bardenas, “el asombro y la fascinación no se agotan jamás”. La primera vez que pisó el parque, en 1992, le costó creer donde estaba: “Era como si de repente acabara de cambiar de continente para encontrarme en algunas regiones desérticas del Magreb, de Oriente Medio o de EE.UU.”.

Su sorpresa fue absoluta cuando se percató de que las águilas reales, los alimochos y los buitres leonados no son los únicos en surcar el cielo. “Prohibido el paso, zona militar”, reza un cartel metálico perforado con multitud de agujeros de metralla al llegar al cruce que separa la pista de acceso público de otra que se adentra hacia el centro del valle. El polígono de tiro ocupa 2.200 hectáreas, situadas en el corazón del perímetro del parque, donde se ha reproducido un escenario de guerra en el que viejos cazas y tanques en desuso hacen las veces de objetivo. En general las prácticas se realizan con bombetas y cartuchos de fogueo, pero varias veces al año aviones de combate F-18, F-16, Mirage F-1, Harrier AV-8B y helicópteros Súper Puma utilizan armamento real. ¿Cómo casa una reserva de la biosfera con las bombas? “Se trata de un caso único”, admite Julián Isla, presidente de la junta de la Comunidad de las Bardenas Reales, que gestiona el parque y es propietaria de los terrenos donde se halla el único campo de tiro del Ejército del Aire en España y uno de los mejores de los que dispone la OTAN en Europa.

“La instalación militar es anterior a la declaración de reserva de la biosfera y está clasifi­cada como zona de interés general para la defensa, lo que significa que prevalece por enci­ma de cualquier otro uso. Así que, o llegas a un acuerdo con el ejército o te expropian”, argu­menta Isla. La zona caliente, dice, se reduce a 200 hectáreas, fuera de las cuales no hay actividad humana y “las aves están más protegidas que en otras áreas”.

¿Los pájaros de hierro no tienen ningún impacto sobre los de carne y hueso? Según el estudio científico realizado en el 2012 sobre el efecto de las maniobras militares Nube Gris en las aves, se detectan consecuencias “significativas sobre la presencia y la distribución de especies de mediano y pequeño tamaño”. En cuanto a las rapaces, “reaccionan de la misma manera frente a cualquier vehículo o persona, con independencia de cómo vayan vestidos, porten cámaras, prismáticos o armas, al menos mientras no se produzcan disparos”.

Disparos hubo, y muchos, en noviembre durante la operación Tridente de la OTAN, en la que participaron 36.000 soldados. Con todo, los militares reivindican también su lado ecológico. “El ejército realiza una labor de mantenimiento de zonas rurales, la fauna es más abundante dentro del polígono. Se reproducen mejor, no hay cazadores ni presión humana de ciclistas”, sostiene en declaraciones a Magazine un portavoz oficial del Ejército del Aire. Más de un espacio natural se ha conservado en España gracias a las bases militares, como la isla de Cabrera o Cala Jóncols (Roses). En las Bardenas, la alondra de Dupont, especie protegida, sólo vive dentro del campo de tiro. “¿Debido a que hay menos presión humana o ya era así antes?”, se interroga Samanes. Ello no significa que las maniobras de unos aparatos que vuelan a 2.000 km/hora sean del todo inocuas.

El año pasado un visitante resultó herido y tuvo que ser hospitalizado de urgencia. “Un rebote de metralla de helicóptero de combate impactó contra el coche de un turista francés. Hay una probabilidad entre 800 millones de que esto ocurra”, reconoce el portavoz del ejército. La investigación concluyó que se produjo un accidente en un ejercicio con fuego real. “Se han cambiado los blancos de posición para reducir aún más las posibilidades de que vuelva a suceder”, informa.

El Parlamento de Navarra y algún municipio han aprobado mociones instando al Ejército a abandonar las Bardenas, pero las protestas no han ido más allá. “Los ayuntamientos de la zona están a favor del polígono, somos inquilinos”, precisa el portavoz. Las cosas han cambiado mucho desde los cincuenta, cuando el alquiler era de 20.000 pesetas (120 euros) al año. A principios de los 2000 ascendía a 3,5 millones de euros, y en el 2008 se firmó un acuerdo por el que el Estado cedía la propiedad de los terrenos a la Comunidad de Bardenas y esta prorrogaba 20 años el contrato a cambio de siete millones de euros anuales, que a partir del 2018 se convertirán en 14.

Isla recuerda que se han explorado alternativas en Portugal o el norte de África para poder desmantelar el polígono, pero no hubo una solución viable. A dos minutos de vuelo de la base aérea de Zaragoza y en el actual contexto internacional, el de las Bardenas es más que nunca un enclave estratégico. El ejército confirma el lanzamiento “esporádico” de “bombas o misiles” respetando los términos del acuerdo del 2008: “No se utilizará munición con uranio empobrecido, componentes de tipo nuclear, bacteriológico o químico que sea susceptible de causar daños a la salud de los habitantes y de la fauna y flora”.

Unas garantías insuficientes a ojos de Moncoqut. El creador de una completa web sobre las Bardenas dirigida al público francés cree que el campo de tiro “en ningún caso puede ser compatible” con el turismo y la protección de un entorno que define como “un formidable museo geológico” donde se suceden “ecosistemas preciosos y frágiles”. A su juicio, la presencia militar es un “desastre” medioambiental. “Nada es más contaminante que un explosivo, y en 65 años se han lanzado decenas de miles de bombas”, sentencia. “Es una actividad peligrosa, claro que lo es, por eso somos exigentes a la hora de pedir al ejército mayores garantías de seguridad. Es mejor esto que un cementerio atómico”, se escuda Isla, cuyo cargo es elegido por los 22 “entes congozantes” –19 municipios, el valle del Roncal, el de Salazar y la abadía de La Oliva– que integran la Comunidad de Bardenas. La terminología llamó la atención de Vargas Llosa. Para entender su verdadera naturaleza hay que remontarse al año 1705, cuando el rey Felipe V cedió las Bardenas para “uso y disfrute exclusivo” de aquellos municipios y entidades que habían ayudado a financiar la corona e históricamente habían explotado los campos y los pastos. Así –previo pago de 12.000 reales de ocho– se formó esta entidad local de carácter tradicional, que se rige por sus propios órganos y ordenanzas. “Ha sobrevivido a reinados, dictaduras y gobiernos democráticos”, se enorgullece Isla.

La prosperidad de la comunidad está más vinculada a la actividad militar que al turismo. Sin el campo de tiro, la abadía de la Oliva, uno de los monasterios cistercienses más importantes de la Península, difícilmente habría podido afrontar la rehabilitación de su patrimonio. “El dinero viene muy bien, hay que reconocerlo”, confiesa el segundo abad, Daniel Gutiérrez. “Cuando voy a caballo y oigo el estruendo de los aviones, el polígono militar me parece una chapuza ambiental, pero es cierto que los caminos están en buen estado gracias al ejército”, reflexiona Samanes.

Los españoles descubrieron la belleza y el valor ecológico de la zona de la mano de Félix Rodríguez de la Fuente, que filmó algunos de sus memorables documentales sobre la fauna ibérica en los setenta. El turismo empezó en 1980, pero no se desarrolló hasta la década siguiente. En la actualidad, el parque recibe unos 120.000 visitantes al año, de los cuales un 73% son franceses y el 80% pernocta en las inmediaciones. Julián Isla admite que el plan de ordenación, que data del año 2000, se ha visto “desbordado” por la creciente afluencia, la eclosión del turismo de bicicleta... y la demanda de rodajes.

Se trabaja en un nuevo plan que, además de establecer la capacidad de absorción de visitantes y mejorar la calidad de los recorridos, fije el índice de saturación para las producciones cinematográficas. El pasado año se concedieron permisos para 59 rodajes, entre ellos la célebre serie   Juego de tronos. Las Bardenas han acogido filmes españoles como   Anacleto agente secreto  y superproducciones como   James Bond  o   Cartel, de Ridley Scott. En algunas zonas, el rodaje está prohibido ­durante la época de anidamiento de las aves, y la tarifa es de mil euros diarios. “Con el cine no hay afán recaudatorio”, subraya Isla.

Ante la inestabilidad de los países del Magreb, las Bardenas ofrecen un decorado especialmente atractivo. Ello no significa que esté exento de riesgos. Las extremas condiciones climáticas –viento, calor, aguaceros– arruinaron la filmación de un largometraje sobre el Quijote dirigido por Terry Gilliam, que abandonó el proyecto. Quien quiera grabar junto a la formación más emblemática de las Bardenas, Castildetierra –columna rojiza coronada por una losa de arenisca– debería darse prisa. Su erosión está muy avanzada. La comunidad ha decidido incluso escanearlo para poder sustituirlo por una versión en cartón piedra inmune a los azotes del cierzo. Una opción contestada. “Hay que dejar que la naturaleza siga su curso, si no, las Bardenas se convertirán en un parque temático”, previene Samanes.

Texto de Elianne Ros  08/05/2016