Il y a un an, à quelques jours près, j'ai décidé d'installer un piège photographique dans une zone particulièrement isolée et méconnue de la Bardena Negra.
En ce lieu les paysages sont bien différents de ceux de la Blanca. Avec ses reliefs très escarpés le site n’est pas aisément accessible, et si les randonneurs y sont rares les touristes sont tant qu’à eux totalement absents.
Pourquoi avoir installé un piège photographique ?
Par curiosité, rien de plus, histoire de voir quel type d’animaux fréquente le fond d’un barranco (ravin).
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Nous sommes le 11 janvier 2019.
Il est 10h00, la température est de 8°c et le ciel est bleu sans nuages.
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Arrivée en 4x4 sur le site, le reste du trajet se fait à pied. |
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Après mon arrivée en 4x4 je poursuis à pied dans les méandres du ravin.
D'abord large, ce ravin devient très rapidement étroit. Ma progression est moins aisée en raison de la présence ici et là de gros blocs de roches tombés du haut des falaises. Quelques larges flaques d'eau ralentissent également ma marche.
Mon premier souci est de trouver un endroit où fixer solidement et durablement le piège photographique tout en s’assurant qu’il ait un bon angle de vue.
Une grosse racine est vite repérée et l’appareil y est aussitôt sanglé.
L’autonomie de ce piège photographique est donnée pour six mois, mais celle-ci dépend surtout du nombre de photographies prises. Il est donc décidé de voir large, l’appareil restera au fond de ce ravin durant une année entière.
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L’appareil est programmé, les capteurs de mouvement activés, les prises de vue peuvent commencer. |
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Mosaïque d'images montrant le lieu où a été déposé le piège photographique. |
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Les semaines, les mois et les saisons passent, puis vient la fin décembre.
Le moment est venu de récupérer le piège photographique installé un an plus tôt. Une question se pose : est-il toujours là ? A-t-il été volé ? Détérioré ? A-t-il survécu au froid ? à la canicule ? aux pluies torrentielles ? à d’éventuels éboulements de falaise ?
J'arrive devant l’entrée du barranco, j'entame une petite marche sinueuse au milieu des rochers, puis ... rien. Le piège photographique a disparu !
Une recherche rapide permet toutefois de le retrouver posé au fond du ravin, et de toute évidence il a bien souffert !
Les sangles ont été arrachées et de la boue s’est infiltrée à l’intérieur du boitier.
Un démontage rapide confirme qu’il a longuement séjourné dans l’eau (l’appareil est étanche à l’eau de pluie, mais pas à l’immersion). L’eau boueuse s’est infiltrée partout, dans le compartiment à piles mais aussi dans le boitier photo jusqu’à recouvrir les capteurs, l’objectif et le flash.
La carte mémoire, bien heureusement, est en bon état.
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Au jour où cet article est écrit le piège photographique est démonté
et est en cours de nettoyage. |
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Retour à la maison.
Le visionnage des photos sur l’écran d’ordinateur révèle que l’appareil a fonctionné durant 8 mois. Les sept dernières photos datent du 12 septembre et semblent avoir été prises dans des circonstances très chaotiques ! Nous y reviendrons.
1.351 photographies ont été prises durant 3 saisons, hiver, printemps et été. La plupart des photos ont été déclenchées par le mouvement des herbes sous le vent, mais une bonne centaine l’a été par le passage d’animaux.
Ce barranco est clairement peu fréquenté, il se passe parfois plus d’un mois sans qu’il n’y ait le moindre passage. Les animaux photographiés sont majoritairement les oiseaux, les sangliers, les renards, les fouines, et à deux occasions un lérot. Aucun autre animal sauvage n’apparait sur les photos.
A deux reprises des hommes ont été photographiés : des chasseurs avec leurs chiens, et deux randonneurs.
L’arrêt du fonctionnement du piège photographique n’est pas dû aux piles, ces dernières étant aujourd’hui encore utilisable.
Les sept dernières photographies ont été prises dans des circonstances très agitées, violentes même. La toute dernière photo montre ce que l’on pourrait prendre pour des herbes, mais après réflexion il semblerait que ce soit des poils de sanglier. Suspicion confortée par le passage fréquent de sangliers durant les nuits précédentes.
Le piège photographique aurait donc été victime de la colère d’un sanglier.
Les photographies qui suivent figurent parmi les plus intéressantes et les plus nettes qui aient été prises.
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Un Rougequeue noir. Il s'agit du premier animal photographié, au lendemain
de la pose du piège photographique. |
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Une Fouine. Entre janvier et septembre ce petit carnivore est passé dans le
barranco à quatre reprises, toujours de nuit. |
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Ce renard facilement identifiable par sa queue pelée (signe qu'il est atteint de la teigne) est passé devant le piège photographique durant trois jours. |
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24 février, deux chasseurs et leurs chiens passent devant le piège
photographique sans même le voir. |
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Leur présence dans le barranco aura été très brève.
Il n'y aura aucun autre passage de chasseurs entre janvier et septembre. |
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Les oiseaux sont nombreux, ici un Gobemouche noir.
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Voici un oiseau souvent photographié dans le barranco,
une Perdrix rouge. |
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Une autre Perdrix rouge, au lendemain de la photo précédente.
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Courte pose pour deux randonneurs.
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Tous deux passent à côté du piège photographique sans le voir. Ils seront les seuls randonneurs photographiés entre janvier et septembre. |
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Encore un oiseaux non identifié.
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A gauche, nous voyons la tête et les pattes avant d'un Lérot, petit rongeur nocturne qu'on ne verra que deux fois dans le barranco. |
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L'un des nombreux renards photographiés de jour comme de nuit. Contrairement au précédant celui-ci semble en bonne santé. |
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Un Bruant fou, un oiseau parmi tant d'autres.
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Les sangliers fréquentent périodiquement le barranco, le plus souvent de nuit.
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Deuxième et dernière apparition d'un Lérot.
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Bizarrement les sangliers fréquentent plus souvent le barranco fin août et début septembre, ils sont aussi plus nombreux. |
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Celui-ci semble avoir repéré le piège photographique.
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Une autre nuit, ce sanglier s'approchera plusieurs fois du piège photographique. |
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Fin août et début septembre les sangliers sont photographiés tous les deux ou trois jours (et nuits), parfois jusqu'à cinq individus par visite. |
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Les sept dernières photographies sont très confuses et semblent avoir été prises dans des circonstances assez violentes. Le piège photographique a été arraché de son support et a été remué en tous sens. Cette photo est la toute dernière et aussi la plus nette, nous y voyons ce qui semble être des herbes, mais il est plus probable qu'il s'agisse de poils de sanglier.
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Texte et photographies : Frédéric Moncoqut. |
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