Dans les Bardenas les journées ensoleillées sont toujours propices aux escapades et aux flâneries, même en plein hiver.
Ce jour-là nous nous aventurions en 4x4, José Maria et moi, dans les environs de la Réserve Naturelle du Vedado de Eguaras. Le site est d’une grande beauté avec ses beaux boisements de pins d’Alep et ses petites étendues de cultures céréalières. Cet éden est cerclé d’une belle et longue falaise qui ferme près de la moitié du site, comme pour le protéger de l’extérieur. Car à l’extérieur la nature est différente, belle, assurément, mais surtout aride, rude et poussiéreuse, … le désert des Bardenas est là, tout proche.
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Pour mieux apprécier la vue nous contournons le Vedado de Eguaras par l’ouest puis, avant d’atteindre le plateau de la Bardena del Plano, nous stoppons le véhicule et mettons pied à terre.
Nous décidons de poursuivre notre promenade ainsi, en marchant et en discutant de choses et d’autres.
Une vingtaine de minutes plus tard nous tombons nez à nez avec quelque chose de totalement inattendu : Une construction comme nous n’en avions jamais vu dans les Bardenas.
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Cette étrange construction est là, à dix mètres devant nous, en forme d’igloo et faite de pierres. Il y a à cet endroit une petite concentration d’arbustes qui dissimule efficacement cette curiosité, il n’est donc pas surprenant qu’on ne l’ait pas vu avant.
Surpris, presque amusés, nous nous approchons de la construction. Nous en faisons le tour en l’observant attentivement, puis nous décidons d'entrer à l’intérieur. Car il y a une entrée, basse et très étroite.
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Ci-dessus et ci-dessous, Fred Moncoqut à côté de l'étrange construction. |
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A l'extérieur Fred photographie José Maria. |
Après l’avoir examiné sous toutes les coutures voici ce que l’on peut en dire :
Il s’agit d’une construction de petite dimension faite de pierres sèches, les blocs étant empilés les uns sur les autres sans mortier.
L’ensemble mesure approximativement 2m60 de haut pour un diamètre au sol de 4m. L’aspect générale fait penser à un igloo.
Le sommet est couvert de terre, peut-être pour mieux l’imperméabiliser lors des pluies.
Les pierres sont locales, un grand nombre non utilisé jalonne encore le sol tout autour.
Il y a une seule entrée, plutôt basse et très étroite, et aucune fenêtre. Pénétrer dans cette construction implique de s’engager dans un « long » couloir qui correspond au final à l’épaisseur du mur extérieur. Nous constatons ainsi que ce mur est très épais et que l’espace intérieur est extrêmement exigu, à peine suffisant pour deux hommes.
Globalement cette construction semble assez récente, impression qui nous sera confirmée ultérieurement.
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Le toit est recouvert de terre et de cailloux, certainement pour l'imperméabiliser. |
De retour à nos domiciles respectifs, nous décidons d’entamer quelques investigations, chacun de son côté.
En cherchant sur internet je constate que cette construction n’est mentionnée sur aucun site. Je découvre toutefois l’existence d’édifices identiques en divers lieux d’Europe, ce qui m’en apprendra beaucoup.
Dans le sud-est de la France ce type de construction se nomme « Borie », ce nom désigne des petites cabanes rondes en pierres sèches. En Espagne, il semblerait qu'elles n'aient pas d’appellation précise.
En Navarre et en d’autres lieux d’Europe, les bories ont été inventées et couramment utilisées par les hommes de l’âge de bronze (environ 2500 ans avant notre ère pour la moitié nord de l’Espagne). Cela correspond à l’époque où l’homme est passé de chasseur-cueilleur à agriculteur, ce qui l’a contraint à se sédentariser et à concevoir un lieu d’habitation stable pour s’abriter.
En consultant diverses photos aériennes classées par année j’ai constaté que la borie des Bardenas est apparue en 2009. Elle ne figure pas sur les photographies plus anciennes, ce qui me laisse penser que nous sommes probablement en présence d’une reconstitution archéologique.
De son coté José Maria en arrive aux mêmes conclusions, mais avec une information supplémentaire. Il a réussi à identifier l’auteur de cette borie, mais celui-ci désire garder l’anonymat et nous ne mentionnerons donc que son prénom : Andrés.
Nota : Depuis la création du Parc Naturel la construction de bâtiment, quel qu’il soit et quel qu’en soit la taille, est interdite sur le territoire des Bardenas.
Ce monsieur a réalisé sa borie en août 2009, en seulement deux jours. Et c’est fièrement qu’il précise « Je suis le dernier à avoir construit une cabane dans la Bardena. »
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Bien dissimulée par la végétation, située dans un endroit non fréquenté, cette borie dont l’existence est secrètement gardée semble prête à affronter les siècles à venir.
Un jour, dans un lointain futur, peut-être fera-t-elle l’objet d’une étude archéologique ?
Allez savoir… |
Photographies : José Maria Samanes et Frédéric Moncoqut. |
Texte : Frédéric Moncoqut. |
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