Il y a un lieu reculé de la Bardena Negra où j'aime flâner et me ressourcer. Ce lieu s’avère assez méconnu des autochtones et totalement inconnu du tourisme.
A bien y regarder seuls les agriculteurs viennent ici, brièvement, trois fois par an pour effectuer le labour, la semence et la récolte des quelques champs qui s’y trouvent.
Ce lieu, je m'y suis rendu récemment et une surprise mémorable me fut réservée.

L’histoire se déroule lors d’une belle et douce matinée d’été. Le site baigné dans un silence total offre comme d’accoutumé les conditions idéales pour s’adonner à la méditation et à la contemplation. Rien ne laisse supposer que cette tranquillité puisse être troublée par quoi que ce soit.

Pourtant le ciel donne déjà quelques indices. Des vautours en grand nombre planent en de vastes cercles au-dessus d’une zone bien définie. Puis, progressivement, des cris se font entendre, des cris de plus en plus forts jusqu’à devenir une formidable cacophonie !
Je n’avais jamais entendu pareil vacarme en ce lieu, et le doute n’est pas permis, les vautours en sont les auteurs.

Le site agit un peu comme une caisse de résonnance, il est donc difficile de situer avec exactitude la provenance d’un bruit lointain.
En cherchant du simple regard, rien. L’aide d’une paire de jumelles commence toutefois à éclaircir l’énigme, et l’usage d’un appareil photo équipé d’un bon zoom met en clarté un spectacle rare.

A un peu plus d’un kilomètre d’ici, sur la pente d’un relief, se trouve pas moins d’une cinquantaine de vautours fauves. Le plus grand nombre est concentré en un point bien précis, là où de toute évidence se trouve un repas providentiel, le cadavre d’un animal mort.
Ces grands rapaces charognards crient, se débattent et se battent pour quelques morceaux de chair bien choisis, il règne une ambiance de frénésie collective hallucinante.
Plus calmes, d’autres vautours certainement déjà bien repus sont éparpillés ici et là à bonne distance. Pour eux l’heure est au repos et à la digestion.

Je ne suis pas en mesure d’identifier, ni même de distinguer le cadavre servant de repas. La scène est trop éloignée et le zoom de l’appareil photo n’est pas suffisamment puissant. Vous pardonnerez d’ailleurs la piètre qualité des images obtenues.
S’agit-il d’une brebis égarée ? ou d’un sanglier ? Ce qui est certain c’est que pour avoir provoqué l’hystérie d’un si grand nombre de vautours l’animal doit être assez imposant !

Ce spectacle très bruyant dura plus de deux heures, après quoi la plupart des vautours restèrent cloués sur place le temps d’une digestion, car trop lourds pour prendre leur envol.

Fait anecdotique, en observant attentivement les clichés obtenus il est possible d’identifier ce qui semble être un intru : Un vautour percnoptère, également nommé percnoptère d’Egypte.
Ce vautour au plumage blanc et noir et à la face jaune est lui aussi un habitué des Bardenas. Plus petit que son cousin le vautour fauve, et cinq fois plus léger, cet intrépide percnoptère n’a pas hésité à se mêler à ce groupe agité et bruyant pour tenter de chaparder quelques bouts de viande. Les vautours fauves, eux, tolèrent l’intru avec une quasi-indifférence.

Nota :
- Le vautour fauve est sédentaire, son poids moyen est de 9 kg et son envergure peut atteindre 2,70 m. Son plumage est de couleur brunâtre, son cou et sa tête sont dénudés.
Il existe plusieurs colonies permanentes dans les Bardenas.
- Le vautour percnoptère, ou percnoptère d’Egypte, fréquente les vastes espaces désertiques des Bardenas de mars à octobre, le reste du temps il migre vers l’Afrique sub-saharienne. Son plumage est blanc, noir pour la partie terminale de ses ailes, sa face est dénudée et jaune.
Le percnoptère ne pèse pas plus de 2 kg et son envergure atteint 1,80 m.