.Juan Manuel Conget, portrait d’un Bardenero.
« Certains disent que je suis bête, que je suis fou, mais je m'en fiche. Ici, je suis heureux. »
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Le bonheur réside souvent dans des instants simples et éphémères, comme celui d’être plongé au cœur d’un paysage extraordinaire, ou de pouvoir contempler de flamboyants levers de soleil sur quelques massifs montagneux.
Que rêver de mieux que de voir de tels moments se répéter jour après jours, durant des années, durant des décennies ? et cela, même si le confort du quotidien doit en souffrir.
C’est le choix de vie qu’a fait Froilán.
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Une tradition ancestrale ! Depuis le 7ème siècle, chaque hiver, d’innombrables générations de bergers pyrénéens conduisent leurs brebis dans les Bardenas. Non pas que les herbages y soient luxuriants, bien au contraire, mais les conditions de pacage s’avèrent moins rudes qu’en montagne.
Les bergers
ont toujours mené une existence des plus difficiles, sonnant souvent avec pauvreté.
Des repas aussi brefs que sommaires, des nuits passées à la belle étoile auprès d’un feu de camp ou à l’intérieur d’une rudimentaire maisonnette faite de pierres sèches, une solitude inévitable et pesante... Ainsi allait la vie pastorale avant que la modernité n’apparaisse.
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Depuis la seconde moitié du XXème siècle plus aucun berger ne passe ses nuits dans les bardenas, tous possèdent une automobile qui leur permet de se rendre dans les villages les plus proches, d’y dormir et d’accéder ainsi au confort moderne.
Le berger pauvre et solitaire n’est plus qu’un lointain souvenir, sauf pour un, irréductible, et heureux. Ce berger, ce nomme Juan Manuel Conget, plus connu sous le nom de "Froilán". |
Froilán est originaire d’Urzainqui, gros bourg situé dans la vallée pyrénéenne de Roncal et où il vit encore durant les mois les plus chauds de l’été. Le reste de l’année il réside plus au sud, dans les Bardenas, région aride et désertique dans laquelle il est officiellement l’unique habitant.
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Dans les Bardenas, donc, Froilán habite dans une vieille bergerie située dans le secteur de Los Tres Hermanos.
Aujourd’hui âgé de 88 ans (2019), il se souvient être venu pour la première fois dans les Bardenas à l’âge de 14 ans. C’était avec son père, et à l’époque il y avait toujours deux ou trois bergers à vivre dans une même bergerie. Mais les temps ont changé, Froilán est seul, le métier n’attire plus les jeunes et les bergers se font plus rares.
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Dans sa bergerie Froilán n’a jamais eu l’eau courante ni même l’électricité, et pourtant il assure que c'est le meilleur endroit au monde. Il se chauffe et s’éclaire au feu de bois, parfois au butane, il dort sur un lit de fortune avec en guise de matelas une chaude peau de mouton à la laine épaisse, et il s’endort généralement vers 21h00 avec comme seule compagnie ce doux feu qui crépite dans sa cheminée.
Froilán vit dans cette bergerie depuis l’âge de 30 ans !
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Juan Manuel Conget, plus connu sous le nom de Froilán, prénom de son grand-père.
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La partie habitable de sa bergerie est très exiguë, plutôt sombre, ...
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... et le confort moderne y est totalement absent.
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A ce qui se dit, Froilán fait des migas comme personne.
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Les mois d’hiver sont longs et froids, les journées courtes et les nuits interminables, et pourtant le vieille homme déclare être heureux. Il aime vivre dans cet exceptionnel environnement naturel, il aime contempler le paysage pendant que ses brebis paissent, il aime le contact de la terre, la douceur du vent, le silence du désert.
Les choses ont pourtant un peu changé, les longues journées de solitude sont dorénavant ponctuées de rencontres avec des touristes souvent venus d’outre-Pyrénées.
Récemment Froilán s’est acheté une modeste automobile qui lui permet de temps à autre d’aller acheter quelques provisions à Arguedas. Auparavant il lui fallait prendre l’âne pour se rendre au village.
Il y a aussi les couvertures modernes qui lui assurent des nuits plus chaudes lorsque dehors les températures tombent en dessous de zéro. Cet apport de modernité s’arrête là. |
Lorsqu’on lui demande pourquoi il vit encore dans cette bergerie, à son âge, et pas au village, sa réponse est toujours la même : « Parce qu’ici je suis heureux ».
« Tous les matins je contemple le soleil qui se lève et qui embrase le Moncayo et les Pyrénées, ni à Madrid ni ailleurs je n’aurai un tel spectacle !
Je suis heureux. »
Et lorsqu’on lui demande ce qu’en pensent les gens il répond « Certains disent que je suis bête, que je suis fou, mais je m'en fiche. » |
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Ci-dessus, la bergerie de Froilán avec en toile de fond quelques sommets enneigés des Pyrénées.
Ci-dessous, en portant le regard vers le sud on peut voir le Moncayo,
point culminant de la Cordillère Ibérique et massif montagneux le plus proche des Bardenas.
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Froilán est un extraordinaire exemple de simplicité.
Pleinement satisfait et heureux de sa modeste condition d’existence, les Bardenas y sont clairement pour quelque chose.
Si certains hommes restent d'éternels insatisfaits dans leurs somptueux palaces, lui est heureux dans sa vieille maisonnette sans confort. Au diable l’argent et le matérialisme, car le bonheur, le vrai bonheur, c’est celui de vivre ce que l’on aime.
A méditer... |
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Froilán veille sur son troupeau dans ce superbe décor bardenero, ainsi est sa vie. |
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Texte rédigé en février 2019 / Photos F.Moncoqut et NATV
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